Cet après-midi, mon voisin est venu sonner chez moi pour me demander si je n'avais pas quelque chose pour réparer l'attache de sa petite sacoche, que j'avais déjà consolidée l'année dernière. La seule solution était de découdre cette attache cassée pour recoudre à la place l'anneau qui s'insérait dedans.
Il tenta de tirer dessus pour craquer les fils en me faisant remarquer que je l'avais bien recousu. Quand je fais quelque chose, ce n'est pas dans mes habitudes de mal le faire. Je lui proposais donc à nouveau de lui arranger cela. Je sais qu'il adore cette sacoche de contrefaçon et cela me rappelle qu'il y a 10 ans, j'étais fière de m'afficher avec mes faux sacs Dior dégotés sur eBay. Aujourd'hui, je trouve plus valorisant que quelqu'un vienne auprès de moi pour réparer un objet auquel il tient. J'aime être cette personne sur qui il peut compter quand "il est en galère" comme il dit.
Je me suis installée sur la terrasse avec un thé et la trousse de couture de ma mère. Avant cela, j'ai péniblement libéré l'attache en coupant les fils au découd-vite. Et j'entrepris de recoudre l'anneau directement à l'emplacement déjà malmené par les trous d'aiguille. Ce n'était pas aisé du tout de piquer dans le cuir, fut-il une simple imitation, et qui plus est, à l'emplacement d'une couture. J'avais besoin de pousser délicatement et pourtant très fort sur le dés à coudre.
En effectuant minutieusement cette tâche, je réalisais soudain qu'en ce jour de la Fête des Mères, le voisin m'offrait l'opportunité d'exercer le même métier qu'elle, avec son propre necessaire de couture. Je me retrouvai à refaire ces gestes qu'elle avait si souvent pratiqué pour moi, pour elle ou la famille. Son aiguille, son fil, ses ciseaux, son dés, son découd-vite. Et surtout son sang qui coulait dans mes veines, sa dexterité, ses idées, sa persévérence. Et sa volonté d'aider les gens et de les rendre heureux.
Il n'y aurait pas eu de meilleure façon de lui rendre hommage et de me sentir en connexion avec elle. Ce voisin, dont je me sens proche "astralement" et qui porte le nom d'une divinité du Soleil, semble toujours intervenir dans ma vie pour m'apporter quelque chose. Il aurait pu venir hier ou demain et cela n'aurait eu aucune signification particulière. Secrètement je l'en remercie car peut-être que j'aurai passé l'après-midi à pleurer l'absence de ma mère. Quand il est venu chercher sa sacoche, je l'ai laissé me remercier sans évoquer ce moment spécial qu'il m'avait permis de vivre.
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