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Shoe Fleur par Michel Tcherevkoff



Elles s'appellent Chiquita, Marie-Antoinette, Aladin, Satan, Troyes... Conçues à partir de pétales d'orchidées ou de marguerites, de tiges de plantes exotiques, de feuilles de bananier et d'artichauts, ces petites merveilles constituent une collection éphémère de 75 chaussures florales et de sacs végétaux. Pendant un an, Michel Tcherevkoff a sculpté, puis photographié ces incroyables bouquets d'escarpins, de bottes et de sandales dans son loft new-yorkais. Un travail fou, d'un réalisme époustouflant et entièrement « cousu main », à l'aide de clous, de fil en Nylon, de colle, d'agrafes... L'ensemble, à la fois mode et poétique, fait aujourd'hui l'objet d'une exposition et d'un livre passionnant. De la naissance du projet à sa réalisation, l'artiste nous dit tout...

Comment est née l'idée de créer des chaussures végétales ?

J'avais pris en photo une feuille de bananier pour la publicité d'un parfum d'Estée Lauder. En regardant l'image à l'envers, j'ai réalisé qu'elle ressemblait à une chaussure... J'ai repris la feuille de bananier et j'ai passé une nuit à lui donner toutes sortes de formes. Au petit matin, j'étais parvenu à en faire un escarpin [baptisé La Première, en ouverture du livre] ! A partir de là, j'ai imaginé un jardin de chaussures fleuries. J'ai toujours aimé les natures mortes et les idées un peu délirantes. Même dans mes premières campagnes publicitaires, je n'ai jamais réalisé des photos descriptives d'un produit. Je préférais créer une atmosphère, laisser un voile de mystère... J'ai eu la chance de travailler avec des photographes comme Pete Turner et Jean-Paul Goude, qui m'ont aidé à imposer ma vision et à réaliser des publicités très décalées.

Comment avez-vous fabriqué ces bouquets de souliers ?

J'ai toujours fait des sculptures de bois : des sphères, un totem, une pomme d'un mètre de hauteur... Pour réaliser mes chaussures botaniques, je me suis donné une règle : chaque modèle devait être fabriqué avec une seule variété de fleur ou de plante. Je me suis inspiré de leur silhouette, de leur matière... L'escarpin qui figure en couverture du livre est fait à partir d'un bouquet de tulipes perroquet. Leurs stries jaune et rouge vif et leurs pétales, tout en arabesques, m'évoquaient une chaussure frivole et aérienne. Pour leur donner une forme, j'ai tout essayé : plié et courbé les pétales, froissé le coeur de la fleur, écrasé le pistil sur le sol avec mes pieds... J'ai découpé les feuilles et j'en ai fait des rubans en spirale qui ont formé le talon. Pour assembler le tout et faire tenir la chaussure en équilibre, je tirais d'un côté avec un fil de Nylon, soudais des parties avec de la salive ou de l'adhésif. Il m'a fallu environ trois jours et trois nuits de labeur pour créer chacune de ces chaussures. Mucho Goucho a été une vraie prise de tête : c'est un haricot géant séché qui fait 70 centimètres de longueur et dont la matière ressemble à du cuir. Après l'avoir modelé, je l'ai ouvert et j'ai trouvé à l'intérieur des petits pois plats, qui sont devenus la semelle de la chaussure.

Ensuite, vous les avez photographiées et avez retravaillé les images sur ordinateur...

Je faisais sans cesse des allers-retours. Je construisais une partie de la chaussure et la prenais en photo avec mon Canon 35 mm. Puis je la passais sur mon Mac, y ajoutais des effets d'ombre et de lumière, poussais les couleurs ou les atténuais. A partir de là, je reprenais mon travail de sculpture.

Comment avez-vous choisi vos fleurs et vos plantes ?

Tous les matins, à l'aube, j'allais dans un immense marché aux fleurs, à deux pas de chez moi. J'achetais de tout - des artichauts, des tulipes, des choux-fleurs... - et découvrais des centaines d'espèces de plantes. Je les regardais, les touchais, sentais leurs parfums. J'ai même fini par leur parler ! Les fleuristes me prenaient pour un fou : je consultais des encyclopédies de botanique et leur commandais des variétés rares dont ils n'avaient jamais entendu parler. Pendant un an, ils m'ont vu, tous les jours, sans que je leur dévoile ce que je faisais ! J'avais aussi commencé à me balader avec des sacs en plastique pour récolter des plantes. J'ai appris à connaître les fleurs et les plantes tout au long de l'année. C'est pour cela que j'ai créé, quatre collections au fil des saisons : printemps, été, automne et hiver.

Où avez-vous réalisé cette collection ?

Dans mon atelier, qui est aussi ma maison, un loft au dernier étage du Flat Iron (immeuble de New York en forme de fer à repasser). J'avais acheté un socle en plâtre sur lequel je posais mes sculptures tour à tour. Je travaillais debout, en écoutant en boucle Le Sacre du Printemps, de Stravinsky : je tournais fébrilement autour de la chaussure, parfois même en dansant. Les fleurs étaient éparpillées sur une grande table en teck. Il y en avait des centaines, car, pour chaque variété, j'achetais une botte de chaque couleur. L'appartement était envahi de montagnes de fleurs. Au bout d'un mois, ma femme et moi nous sommes réfugiés dans notre chambre, tellement les parfums étaient enivrants.

Quelles ont été vos sources d'inspiration pour cette collection de chaussures ?

Mes parents étaient des aristocrates russes, immigrés à Paris dans les années 1920. Ma mère, une danseuse classique, m'endormait en me montrant les images des décors et des costumes de la troupe des Ballets russes de Diaghilev, dont elle avait fait partie. J'ai été marqué par cet univers féerique, bucolique et cette esthétique très graphique. Maman avait fondé le conservatoire Rachmaninov à Paris, où je prenais des cours. Elle connaissait Balanchine, Noureïev et m'avait raconté que ce dernier ne portait jamais de chaussures, mais des pantoufles en velours noir qu'il achetait à Venise. Un jour, j'ai vu au marché la feuille d'une plante venue d'Europe de l'Est et j'ai immédiatement pensé à lui. C'est ainsi qu'est née cette pantoufle dédiée à Noureïev : le Prince.

Que sont devenus vos modèles ?

Ils sont partis au paradis des fleurs, la poubelle. Il ne reste plus que leurs images. J'adore capturer l'instant T. Et, même si j'ai aimé passionnément ces sculptures, je n'ai jamais éprouvé le besoin de les conserver. Elles ont disparu. Sauf une, Divine. Une chaussure faite avec une feuille d'arbre d'Amérique du Sud. Après l'avoir prise en photo, je l'ai oubliée dans un placard. Quand je l'ai retrouvée, quelques semaines plus tard, la partie inférieure de la feuille était devenue noire comme le charbon et la partie supérieure était restée verte... Je me suis dit que le diable m'avait joué un tour. A partir de cette relique, j'ai fabriqué une nouvelle chaussure et je l'ai nommée Satan !












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