Plaza Athénée, Paris, Octobre 2009
*J'ai toujours eu l'impression d'être une Alien parmi les fans...*
Eureka Tower, Apt du 47e Etage, Melbourne
J’ai faim. J’ouvre lentement les yeux. Il est 5 heures du matin. Je n’ai dormi que quelques heures mais mon corps à eu son compte de repos pour le moment. Même au bout du monde, le désordre de ma vie me poursuit. Ou c’est peut-être moi qui poursuis ce désordre. Comme une détermination à ne pas rentrer dans l’ordre, de ne pas se ranger du côté de ceux qui suivent les codes de la société.
Je traverse le spacieux appartement que je loue au 47e étage de la Eureka Tower. La plus grande tour d’habitation du Monde, qui domine South Bank, le quartier résidentiel de Melbourne. Je me sers un verre de lait et prends une banane dans la corbeille du plan de travail. Je vais vérifier mes emails et les messages de mes différents sites en mangeant. Sur une petite table dans le salon, mon ordinateur portable reste toujours en charge. J’actionne la sortie de veille prolongée.
Deux des côtés du salon sont entièrement couverts de baies vitrées. Je m’approche de ces murs transparents pour admirer les immeubles illuminés du District Center, de l’autre côté de la rivière Yaka. Autour de la Eureka Tower s’élèvent des immeubles, de taille plus modérée, d’appartements résidentiels. Je me sens d’un seul coup bien insignifiante en haut de cette immense tour, moi qui ne suis ni un chef d’entreprise, ni la femme d’un riche homme d’affaire.
Il y a des jours comme ça, où on se sent si petit alors qu’on sait qu’on peut faire de grandes choses. On croit qu’on n’a pas le choix, qu’on ne peut rien changer, pourtant quand je regarde en bas, sur Terre, je vois qu’on a besoin de moi. Je vois des milliers de fans qui ne vivent que pour leurs idoles et qui souffrent parce qu’ils ne les comprennent pas. Toutes ces rumeurs qui tournent sur Internet plus vite que la Terre elle-même, ils imaginent que ça peut être vrai. Et moi qui sait où est le vrai du faux, ai-je le droit de me taire ? Certains sont si fragiles et perdus dans leur vie que mon silence pourrait les détruire.
J’ai cette étrange impression que le Chanteur m’appelle et me dit de crier toutes ces vérités au monde. Et pas que cela. De partager des expériences, des histoires, de faire découvrir à mes lecteurs d’autres villes, d’autres coutumes que les leurs et de les éveiller à cette philosophie zen à laquelle je crois. Et lui aussi. L’ici et maintenant. Et surtout de les faire rêver. Les gens ne savent plus rêver. Ils essaient juste de survivre dans la réalité. Ils croient qu’ils n’ont pas d’autre choix que de suivre les contraintes du quotidien et s’enferment dans une routine triste et sombre.
C’est quelque chose auquel je ne pourrais jamais me résoudre. Parce que celui qui me dicte mes romans et fait courir mes doigts sur le clavier comme ceux d’un musicien sur un piano, m’invite à entrer dans le Monde, dans son monde, et à me faire connaitre.
C’est pourtant ce que j’ai fait. En écrivant ce roman sur un groupe de rock, je suis rentré dans autre monde. Dans leur monde. Avant cela j’étais libre d’écrire sur plein de chose, j’avais plusieurs romans en cours, sur différents sujets. Je voulais écrire une petite histoire pour ados, pour les faires rêver et leur raconter le monde de leurs idoles. Puis les jours ont passé et sont devenus des années… Les fans ne veulent pas rêver si facilement. Ils ne savent plus, trop habitués à vivre dans une dure réalité. Et ils ne pardonnent pas à ceux qui rêvent encore.
Maintenant je suis là, en haut de cette tour. L’esprit en désordre, mon roman en stand-by et mes rêves silencieux. Les fans usent des nouvelles technologies trop réelles, qui peuvent trop facilement contraindre au silence. Bannir les gens des forums. Les bloquer sur Myspace. Rendre leur Facebook introuvable. Ne pas valider les commentaires sur un blog… Et c’est maintenant moi qui suis entrainée dans ce tourbillon de rumeurs, avec l’impossibilité de répondre pour rétablir la vérité.
Mais de tout temps les livres ont été des objets de révoltes et de liberté. La voix du Chanteur revient des profondeurs de mon esprit et se fraie un chemin à travers le désordre pour me rappeler que le silence peut détruire. Me détruire. Je dois donc continuer et me faire entendre. Je dois laisser toutes ces médisances derrière moi. Comme mon nouvel ordinateur au disque dur tout neuf, je vais me continuer une nouvelle vie. Et offrir au monde ce roman qui n’est pour l’instant qu’une sorte de prototype. Quelque chose de nouveau, que j’expose dans les salons, que certains ont déjà pu lire. Un livre dont beaucoup parlent, dont ils attendent la sortie, que certains adorent autant que d’autres détestent.
Le Chanteur me dit de me laisser tomber pour m’envoler. Lâcher prise et ne plus chercher à répondre à toutes ses rumeurs pour continuer mon roman. Dans sa langue il me demande si j’en veux plus, si je ne veux pas revenir en arrière. Ca c’est catégorique. Je veux plus que faire lire mon livre à quelques internautes et je ne veux pas de retour à ma vie passée. Kein Zurück. Cette nouvelle vie n’est pas facile et je me retrouve souvent seule, mais il me tend la main. Lui aussi il est seul, et il me dit qu’ensemble on peut y arriver.
Il est donc temps de tomber du 47e étage et de quitter les hauteurs rassurantes de la Eureka Tower, où je me sentais hors de portée des fans… Il est temps de redescendre sur Terre, parmi eux… ; ) Je poste cet article et retourne me coucher avec la paisible impression de régner sur le chaos qu’est devenu ma vie ces derniers mois. Comme la reine des abeilles règne sur les abeilles et laisse de côté le chaos de la ruche ^^
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